Tout ce que vous vouliez savoir pour constituer votre dossier Anru se trouve dans le volumineux règlement général de l’Anru relatif au nouveau programme national de renouvellement urbain. Enfin presque. S’il ne fallait retenir qu’une chose, ce serait de montrer combien votre projet de renouvellement urbain est intégré dans le projet global de votre agglomération. Pour cela, l’Anru est disposée à subventionner les études et la conduite de projet.
« Chaque projet du nouveau programme national de renouvellement urbain doit s’appuyer sur la vision stratégique à dix ou quinze ans formalisée dans le contrat de ville, définissant la vocation du quartier et son rôle dans le fonctionnement de l’agglomération », lit-on en préambule du règlement général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) relatif au nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), publié dans un arrêté daté du 15 septembre 2014, au Journal officiel du 23 septembre 2014. Un arrêté qui tient en deux minuscules articles renvoyant à une énorme annexe de seize pages assez confuses à la première lecture : le règlement lui-même.
Y sont présentés les principes généraux attendus des projets de renouvellement urbain (PRU) depuis que la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite loi « Lamy », est passée par là. Aspiration dans le contrat de ville, pilotage intercommunal, participation des habitants… tout y est.
Le règlement présente également l’ensemble des éléments réglementaires nécessaires à la signature par l’Anru des contrats de ville et des protocoles de préfiguration des PRU.
Pour les conventions de renouvellement urbain, il faudra attendre encore un peu (il est prévu d’y revenir « ultérieurement » – en fait, début 2015 – sous forme d’amendement au règlement).
Permettre aux agglomérations de signer leur contrat de ville
Implicitement, la publication du règlement vise aussi à permettre aux agglomérations de signer leurs contrats de ville sans être bloquées par un volet renouvellement urbain inachevé.
Car les contrats de ville concernant les 1.300 quartiers prioritaires : c’est maintenant ! Au premier semestre 2015, plus exactement (Myriam El Khomri, secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville, a repoussé l’échéance au mois de juin 2015). Or les 200 quartiers qui auront été élus par l’Anru pour bénéficier du NPNRU doivent disposer, dans leur contrat de ville, d’un volet renouvellement urbain, prémices à la future convention Anru. Et même certains quartiers prioritaires qui n’ont pas été retenus par l’Anru, mais qui sauront justifier de « dysfonctionnements urbains », pourraient bénéficier de subvention Anru. L’agence se devait donc de donner rapidement les axes stratégiques qu’elle attendait.
Les agglomérations « matures » sur leur projet – parce qu’elles ont déjà un quartier Anru première génération, par exemple – devraient signer leur convention Anru dans la foulée des contrats de ville. Mais d’autres pourraient prendre leur temps : un an, deux ans, voire plus, envisage sans problème l’Anru. C’est pour cela que le protocole de préfiguration est très important : c’est lui qui définit les études et expertises à effectuer, ainsi que le mode de pilotage local, pour parvenir à une convention béton. Le tout subventionné par l’agence.
A noter enfin, en termes de calendrier, que « dans la mesure du possible, le contrat de ville et le protocole de préfiguration seront instruits concomitamment », invite le règlement général.
Trois documents contractuels, trois dossiers à l’Anru
Pour ceux qui s’y perdent encore, rendez-vous directement au titre III du règlement qui donne chaque étape de contractualisation entre l’intercommunalité, la commune, les maîtres d’ouvrage et l’Agence, et, le cas échéant, les autres partenaires financiers du projet. Il y en a trois : les contrats de ville, les protocoles de préfiguration des projets de renouvellement urbain et les conventions pluriannuelles de renouvellement urbain. Chacun de ces documents contractuels nécessite la remise d’un dossier à l’Anru, qui décidera alors si elle signera… ou pas… ou pas tout de suite.
Première étape, donc : les contrats de ville. Leur volet renouvellement urbain, donne les échéances de présentation des PRU à l’Anru. A noter qu’ils ne comportent pas d’engagements financiers de l’agence.
Viennent peu de temps après (si possible en même temps), les protocoles de préfiguration qui précisent les objectifs du volet urbain des contrats de ville et arrêtent le programme de travail nécessaire pour aboutir à un (ou des) PRU opérationnel (s). Cette fois, ils « peuvent prévoir » le financement par l’agence des actions prévues dans le programme de travail.
Troisième étape, les conventions de renouvellement urbain fixeront les objectifs contractuels des PRU opérationnels et prévoiront le financement des opérations (*).
Etre en « résonance » avec la politique globale intercommunale
Pour obtenir la signature de l’Anru à son contrat de ville et aux protocoles de préfiguration des PRU, l’agence exige un dossier comprenant : le contexte de l’agglomération ; un diagnostic des quartiers ; une présentation du « projet territorial intégré » du contrat de ville et des objectifs du volet urbain du contrat de ville ; une présentation de la conduite du projet, des maîtrises d’ouvrage et des modalités de participation des habitants ; et des éléments « complémentaires » loin d’être anecdotiques.
Tout doit montrer que la stratégie de renouvellement urbain s’intègre dans une stratégie d’agglomération globale. Elle doit être en « résonance » – pour reprendre l’expression de Franck Caro, directeur de la stratégie et du développement des programmes à l’Anru – avec l’ensemble des documents stratégiques élaborés par l’intercommunalité. Le règlement rappelle d’ailleurs que c’est au président de l’intercommunalité, « porteur de la stratégie globale et de sa déclinaison dans chaque PRU » et au maire de la commune concernée de présenter « conjointement » à l’Anru le projet de renouvellement urbain.
Contextualiser
La présentation de l’agglomération doit naturellement comprendre la localisation des quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais aussi « le contexte de l’agglomération » en matière d’habitat et une présentation des grandes orientations prévues à l’échelle de l’agglomération, « notamment par le schéma de cohérence territorial (Scot), le programme local de l’habitat (PLH) et le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) ».
Le diagnostic des quartiers doit fournir les grandes données sociodémographiques des quartiers en les replaçant dans le contexte de l’agglomération. Et indiquer également le fonctionnement des quartiers, en termes d’urbanisme, d’habitat, d’accès aux services publics et aux commerces de proximité, de desserte en transport en commun et d’accès aux pôles d’emploi de l’agglomération. Une étape incontournable dans la mesure où elle s’attache « à qualifier les dysfonctionnements urbains des quartiers et à identifier les atouts dont ils disposent ». A noter que le diagnostic « tient compte, le cas échéant, des acquis des projets de rénovation urbaine achevés ou en cours de réalisation », précise le texte.
Articuler
Avec la présentation du « projet territorial intégré » du contrat de ville et des objectifs du volet urbain du contrat de ville, on attaque le dur.
Il faut d’abord rédiger une note synthétique présentant la vocation et le rôle des quartiers à dix ou quinze ans, ainsi que les orientations stratégiques permettant d’y aboutir.
Il faut surtout montrer l’articulation des orientations stratégiques du volet urbain du contrat de ville avec les politiques d’agglomération : politiques de l’habitat déclinées dans le PLH et dans la convention intercommunale « article 8 » (pour « article 8 de la loi Lamy » : un outil de politique de peuplement), Scot, plans locaux d’urbanisme (PLU), contrats de développement territorial (CDT) en Ile-de-France, projet de développement économique de l’agglomération, plan de déplacement urbain (PDU) ; politiques d’intervention sur l’habitat privé en difficulté (copropriétés dégradées, lutte contre l’habitat indigne).
Cartographier
La présentation du « projet territorial intégré » du contrat de ville doit aussi comprendre une note sur les premiers objectifs opérationnels poursuivis au titre du volet urbain du contrat de ville déclinés par quartier (ils seront affinés dans la convention).
Le dossier doit également fournir des cartes montrant la situation des quartiers au sein de l’agglomération, au regard de leur desserte, de leurs relations avec les équipements structurants, des pôles de centralité, des principaux pôles d’emploi et des projets de développement engagés. Ces cartes doivent également traduire dans l’espace les principes de la « stratégie urbaine d’intervention » sur chacun des quartiers dans leur environnement, « par exemple en terme d’intensification urbaine, de diversification de l’offre de logements, d’amélioration de la desserte, de renforcement de l’appareil de développement économique, d’adaptation des équipements de proximité, commerces, carte scolaire… »
Conduire le projet
La conduite du projet, les maîtrises d’ouvrage et les modalités de participation des habitants et de coconstruction du projet doivent être présentées au travers des divers éléments.
Il faut ainsi détailler le dispositif prévu pour le pilotage stratégique du contrat de ville (composition et modes de fonctionnement des instances) et le (ou les) dispositif (s) prévu (s) pour le pilotage opérationnel du contrat de ville. Il faut rappeler les principes structurants de la convention intercommunale « article 8 » sans oublier de détailler les modalités de coconstruction et de suivi du « projet intégré » avec les habitants.
Enfin, deux « éléments complémentaires » sont nécessaires à la signature d’un protocole de préfiguration : une note exposant le programme de travail et son calendrier de mise en œuvre ; un tableau de synthèse présentant pour chaque maître d’ouvrage le plan de financement détaillé de chacune des actions inscrites dans le protocole de préfiguration et nécessitant un cofinancement de l’agence. Les participations des cofinanceurs doivent également être précisées dans le tableau.
Les incontournables
Sur le fond, l’Anru estime qu’il y a des « objectifs incontournables » au PRU. Elle les liste : augmenter la diversité de l’habitat (avec une prime pour « la construction de logements privés, y compris en accession sociale) » ; « adapter la densité du quartier à son environnement et aux fonctions urbaines visées » (traduction : densifier dans les quartiers bien desservis, dédensifier – pour ne pas dire démolir – lorsqu’il y a de la vacance) ; « favoriser la mixité fonctionnelle et consolider le potentiel de développement économique » (traduction : aider le commerce et l’artisanat, ainsi que les équipements publics) ; « renforcer l’ouverture du quartier et la mobilité des habitants » (faire venir ou améliorer les transports collectifs, les pistes cyclables, les « liaisons piétonnes ») ; « viser l’efficacité énergétique et contribuer à la transition écologique des quartiers » (travailler à limiter la consommation d’eau et de déchets, piquer de bonnes idées dans le référentiel Ecoquartier…) ; « réaliser des aménagements urbains et des programmes immobiliers de qualité prenant en compte les usages, les enjeux de gestion et de sûreté et anticipant les évolutions et mutations futures » (prévoir un parcellaire « mutable », éviter les coupe-gorge…).
Il ne faut pas oublier de montrer l’articulation entre la programmation urbaine (formalisée dans le PRU) et les principaux outils de planification et de programmation (PLH, PLU, PDU, comme on l’a vu, mais aussi Agenda 21, plan climat énergie territorial).
Les leçons du PNRU
L’agence prévient qu’elle sera particulièrement vigilante sur un certain nombre d’enjeux.
D’abord, le niveau de reconstitution de l’offre de logements locatifs sociaux démolis et sa composition (PLAI, PLUS…) doivent être compatibles avec les besoins fixés par les PLH.
Ensuite, il ne faudra pas oublier – comme l’avait fait le précédent programme national de rénovation urbaine – le traitement des copropriétés dégradées et la lutte contre l’habitat indigne.
Il serait bon aussi que la reconstitution de l’offre ne se fasse pas uniquement in situ (autre travers du PNRU), mais aussi dans des quartiers qui n’ont pas l’habitude d’accueillir des logements sociaux (objectif mixité) ou dans des quartiers situés en centre-ville (objectif densité), à proximité des zones d’emploi et/ou bien desservis en transports collectifs (objectif accessibilité).
Sans oublier le déploiement des réseaux à très haut débit, la lutte contre la précarité énergétique, la limitation des risques et nuisances, le développement des filières locales…
L’agence promet de s’attacher aux formes architecturales et à la qualité paysagère et analysera le traitement proposé pour les « secteurs à enjeux » et les lieux de centralité. Elle veillera à « la cohérence de l’armature urbaine » (hiérarchisation des espaces et de la trame viaire, clarification et mutabilité du foncier) et à « l’intégration du quartier dans son environnement urbain » (traitement des franges du quartier et des coupures urbaines, continuité des réseaux à l’extérieur du quartier, voiries-pistes cyclables-voies piétonnes).
Accompagner le changement
Un volet « accompagnement du changement » serait également incontournable, notamment concernant le relogement, mais aussi la gestion, l’insertion et la mémoire des quartiers.
Formalisée dans la convention « article 8 », la stratégie de relogement doit être définie, notamment avec les porteurs de projet, les organismes HLM, les services de l’Etat, les réservataires de logements sociaux et les associations de locataires. Avec trois objectifs principaux : offrir des parcours résidentiels positifs aux ménages, réinscrire les ménages en difficulté dans une dynamique d’insertion, contribuer à la mixité sociale.
Le projet de renouvellement urbain doit inclure les conditions d’amélioration du fonctionnement et de la gestion du quartier, afin de prendre en compte les usages et d’anticiper les conditions et les coûts de gestion, d’accompagner les chantiers, de « favoriser l’appropriation et la pérennisation des opérations ». La convention de renouvellement urbain devra intégrer un « projet de gestion partenarial », évidemment « coconstruit avec les habitants » sur la base d’un « diagnostic du fonctionnement du quartier » dont les éléments sont listés (évolution des domanialités, conditions d’implication des habitants et de concertation, fonctionnement des équipements publics, dispositif d’évaluation…)
Le PRU doit appliquer les principes et les objectifs de la charte nationale d’insertion. Il doit aussi prévoir les moyens nécessaires à la réalisation d’actions de recueil et de valorisation de l’histoire et la mémoire des quartiers, « en lien avec les habitants ».
Se faire subventionner l’ingénierie…
L’agence accordera des subventions en ingénierie pour les études et expertises préalables permettant de définir la stratégie, le programme d’actions du PRU et le mode d’organisation de la conduite du projet en lien avec les orientations du contrat de ville. Mais aussi pour les actions portant sur la participation des habitants et la mémoire des quartiers, ainsi que pour la conduite du projet. Le calcul de l’assiette de subvention est précisé dans le règlement.
Dans le détail, l’agence accordera ainsi des subventions pour les études préalables de diagnostic social, urbain (desserte du quartier, espaces publics…), patrimonial (diagnostic amiante…), architectural, économique (marché immobilier local et son potentiel), juridique…
Les subventions iront aussi aux études de programmation urbaines et immobilières (études de marché habitat, de programmation d’équipements, de mutabilité foncière, de programmation des commerces et des activités artisanales…), aux études relatives à la programmation urbaine et immobilière, aux études et expertises permettant de déterminer les conditions de mise en œuvre du projet opérationnel (procédures d’aménagement, besoin de recours à des procédures d’utilité publique, estimations financières en dépenses et en recettes, analyse de la soutenabilité financière de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunal maître d’ouvrage, planification opérationnelle…), aux mission relatives à l’évaluation, aux missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la définition du PRU et sa mise en œuvre, aux actions portant sur la participation des habitants (dépenses pour la réalisation et la diffusion de documents et supports, location de salles, organisation de réunions publiques…), aux actions portant sur l’histoire et la mémoire des quartiers (dépenses pour la constitution d’archives filmographiques et documentaires, organisation d’expositions…)
… le pilotage…
Le porteur de projet désigne un (e) directeur (rice) de projet dont la responsabilité est de piloter et d’assurer la conduite opérationnelle du projet de renouvellement urbain.
Le règlement dit bien que les maîtres d’ouvrage doivent d’abord compter sur « leur capacité d’investissement », que les crédits de droit commun doivent être sollicités en priorité, et que les crédits de l’Anru interviendront « en complément ».
Dans une approche en coût global, le porteur de projet devra s’assurer du « réalisme opérationnel et financier » de ces engagements (en investissement et en fonctionnement). Il devra, pour optimiser le plan de financement et les montages financiers, « mobiliser notamment les recettes générées par le projet et l’investissement privé ». C’est à lui qu’il reviendra de conduire l’ensemble des études de faisabilité financière nécessaires.
Lorsque la situation financière de la commune, ou de l’EPCI maître d’ouvrage, le justifie, ou que l’investissement à sa charge s’avère « très important au regard de ses capacités financières », l’agence prévient qu’elle demandera une analyse approfondie de soutenabilité financière.
… et la conduite de projet
L’ensemble des missions de conduite générale du projet, des missions d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, et des missions de type OPC urbain (ordonnancement des tâches, pilotage des actions et coordination des acteurs du projet urbain) peut être financé par l’Anru.
« L’agence accorde des subventions aux moyens internes nécessaires pour la définition du programme urbain, la conduite générale et opérationnelle du projet global », indique le règlement. Ces moyens peuvent être internes au porteur de projet ou constitués d’une structure dédiée dépendant de celui-ci. Le calcul de l’assiette de subvention est précisé dans le règlement.
« Les subventions accordées par l’Anru aux intercommunalités et aux communes tiennent compte de leur situation financière, de leur effort fiscal et de la richesse de leurs territoires », indique le règlement, mais les modalités seront précisées « ultérieurement ».
(*) Il y a deux types de conventions : la convention pluriannuelle de renouvellement urbain (pour les 200 quartiers de la liste) et la convention de renouvellement urbain d’intérêt local (pour d’autres quartiers prioritaires, hors liste, mais présentant tout de même des dysfonctionnements urbains). Dans le premier cas, c’est in fine l’Anru qui approuve les documents contractuels qui l’engagent. Dans le second cas, lorsque l’engagement prévisionnel de l’Anru est supérieur à 5 millions d’euros, il faut une validation du comité d’engagement national, mais s’il est inférieur, c’est le délégué territorial de l’Anru – autrement dit le préfet – qui s’engage (c’est ce que l’on appelait auparavant les « opérations isolées »).
Valérie Liquet
Source : Localtis.info – Le quotidien d’information en ligne des collectivités territoriales et de leurs partenaires
http://www.localtis.info/